Pendant une opération d'une tumeur cérébrale, les fonctions telles que la parole et la vision ne peuvent pas être contrôlées de manière fiable sous anesthésie générale. Lors d'interventions à proximité de ces centres fonctionnels, le patient est donc réveillé de son anesthésie pour de courts tests. Cette méthode, connue sous le nom de chirurgie éveillée ou de craniotomie éveillée, permet de procéder à l'ablation radicale de tumeurs tout en préservant au maximum les fonctions cérébrales, ce qui n'est souvent pas possible sous anesthésie générale. Vous trouverez ici de plus amples informations sur le déroulement d'une telle chirurgie éveillée et sur les expériences des patients.
Pourquoi faut-il surveiller les fonctions lors d'une opération au cerveau ?
Souvent lors de tumeurs cérébrales, la frontière entre la tumeur elle-même et le tissu cérébral environnant n'est pas clairement reconnaissable. Lorsque le chirurgien ne peut exactement déterminer la localisation des fonctions cérébrales importantes en périphérie de la tumeur, une distance de sécurité doit être respectée, qui entraîne inévitablement une résection moindre de la tumeur. En revanche, une surveillance des fonctions dans la zone grise faisant l’interface entre la tumeur et le cerveau sain permet une résection plus sûre et plus radicale, du fait que le chirurgien est informé des zones dans lesquelles il lui est permis d’opérer.
Quand la chirurgie éveillée est-elle indiquée ?
La chirurgie éveillée n'est pratiquée que lors de tumeurs situées à proximité des centres de la parole ou de la vue. Cependant, la plupart des tumeurs cérébrales sont situées à proximité des centres de mouvement, ou dans des zones du cerveau dont les fonctions peut être compensées par d'autres régions cérébrales. Dans les deux cas, la chirurgie et la surveillance fonctionnelle sont effectuées sous anesthésie générale.
Certaines fonctions cérébrales, comme la parole ou la vue, ne peuvent être surveillées que lorsque le patient est éveillé. Pour cette raison, les patients atteints de tumeur localisées à proximité des centres de la parole ou de la vue sont réveillés au cours de l'intervention chirurgicale pour de brefs tests du langage et de la vision. En identifiant et en localisant ces fonctions précisément, le chirurgien est informé des régions où il peut opérer sans les mettre en danger. Par conséquent, les tumeurs cérébrales de localisation critique peuvent également être réséquées de manière plus radicale et plus sûre *.
Dans le cas du langage et lors de tumeurs cérébrales à croissance lente, la situation est complexifiée par un déplacement des zones fonctionnelles de la parole hors de la zone infiltrée par la tumeur, vers des régions cérébrales saines. Ce processus appelé plasticité permet une préservation du langage. Concrètement, cela signifie que des zones cérébrales auparavant fonctionnelles perdent leur fonction en raison de l'infiltration tumorale, alors que d'autres régions saines en prennent le relais. Cette plasticité rend encore plus complexe la localisation du langage dans le cerveau, ce qui renforce l’importance de tests appropriés durant l'opération.

Préparation
La chirurgie éveillée est une opération peu douloureuse et sûre. Le patient est membre de l'équipe thérapeutique, montrant au chirurgien au travers des tests de la parole où et comment il doit opérer. Ainsi, le patient contribue de manière significative à la réussite de l'opération. Pour que cela fonctionne, il est préparé de manière optimale à l'opération éveillée.
Quelques temps avant l'opération sont effectués une évaluation neuropsychologique ambulatoire et un entraînement aux tests qui seront réalisés durant l'opération. La personne même qui conduira les tests d'élocution ou de vision avec le patient durant l'opération entraîne le patient à réaliser ces tests relativement simples, jusqu'à ce qu'il les maîtrise sans difficulté.
Opération
Pour les besoins de l'opération, la tête du patient est fixée dans un support. Bien que le cerveau soit responsable de la perception de la douleur et des sensations douloureuses, il ne possède pas de cellules sensitives capables de percevoir sa propre douleur, de sorte qu’il est totalement insensible aux stimuli douloureux. Pour cette raison, une anesthésie locale cutanée est suffisante lors d’une opération éveillée.
Pour la première partie de l'opération, le patient est sous anesthésie générale. Ce n'est qu'après l'ouverture de la boîte crânienne à l'aide d'un instrument dédié que le patient est réveillé. Au moyen d'une sonde spécifique, le tissu cérébral est ensuite scanné millimètre par millimètre alors que le patient effectue les tests pré-entraînés avec la logopédiste. Si une brève perturbation transitoire de la fonction cérébrale testée survient, le chirurgien sait désormais qu'il ne lui est pas permis d’opérer à l’endroit déterminé. Dans les régions où les test se réalisés sans problème, la tumeur peut être réséquée.

Quels sont les tests effectués durant l'opération ?
Les examens qui sont concrètement réalisés dépendent de la localisation de la tumeur, ainsi que de facteurs individuels du patient, comme par exemple sa profession, ses loisirs ou d'autres compétences pertinentes *. Sont également importantes les langues parlées par le patient (jusqu'à 4 langues peuvent être testées durant l'opération) ainsi que les compétences particulières telles que le calcul mental, la représentation spatiale ou la musique. À l'aide de tests standardisés répétés, toutes ces capacités peuvent être testées au cours de la phase éveillée de l'opération.

De cette manière, la stimulation par micro-courants permet de cartographier le tissu cérébral et de déterminer les frontières de résection de la tumeur. Cette méthode de cartographie cérébrale est également appelé mapping cérébral ou mapping cortical. Le mapping est utilisé pour déterminer les points d'entrée dans le cerveau.
Ces tests sont également effectués de manière répétée au cours de la résection de la tumeur (mapping sous-cortical) afin de protéger les voies de la parole *,*,*,*. Ils durent entre 30 minutes et 2 heures, selon la localisation et la taille de la tumeur. Une fois les tests conclus, une anesthésie est ré-établie et le patient ne se réveillera ensuite qu’à la fin de l'opération.

Pour éviter qu'une crise d'épilepsie ne soit causée par la stimulation électrique durant l'opération, un EEG (électrocorticographie) est enregistré sur le cortex. Cela permet d’interrompre les crises éventuelles, avant même qu'elles ne se manifestent réellement.
Après l'opération
Phase postopératoire
Après l'opération, le patient est admis aux soins continus pour une prise en charge et une surveillance rapprochées. Au premier ou second jour suivant la chirurgie, une imagerie par résonance magnétique (IRM) du cerveau est réalisée comme contrôle postopératoire. Le patient revient ensuite dans sa chambre.
En fonction de l’état clinique, nous évaluons avec le patient et avec nos spécialistes physiothérapeutes, ergothérapeutes et logopédistes si un retour à domicile est réalisable ou si une rééducation en milieu hospitalier est recommandée.
Traitement de suivi
Des contrôles réguliers par IRM font partie du suivi thérapeutique. En raison de la plasticité neuronale cérébrale, des fonctions neurologiques peuvent se déplacer au fil du temps hors de la zone affectée par la tumeur. Si la tumeur récidive ou si un reste tumoral progresse en taille au cours du suivi, une deuxième opération éveillée ou, alternativement, une radiothérapie et une chimiothérapie peuvent être envisagées *.
Qui peut bénéficier d’une chirurgie éveillée ?
Le facteur décisif pour le succès d'une chirurgie éveillée est la capacité du patient à coopérer, qui peut s’avérer perturbée ou absente pour des raisons médicales ou psychologiques.
En outre, si la parole est déjà atteinte, les tests peuvent donner des résultats erronés *.
Pour ces raisons, l'indication à une opération éveillée est soigneusement évaluée, revue et mise à l’épreuve lors d'une discussion préopératoire commune regroupant le chirurgien, le patient et les logopédistes.
Pourquoi se faire soigner à l'Inselspital ?
Comme l'indiquent de nombreuses publications scientifiques, la cartographie peropératoire du tissu cérébral permet de réduire considérablement l'apparition de déficits neurologiques à long terme après l'opération. Parallèlement, ce mapping a permis d'augmenter considérablement le nombre d'ablations complètes et quasi-totales de tumeurs *,*,*,*.
Dans notre clinique neurochirurgicale, nous disposons d 'une longue expérience en matière de chirurgie éveillée avec une équipe interdisciplinaire de neurochirurgiens, neurophysiologistes, orthophonistes, neuropsychologues et neuroanesthésistes *.
Notre clinique a également participé à la première étude multicentrique européenne de 2017 sur l'évaluation des protocoles de mapping et de monitoring peropératoires en lien avec la survenue de crises d'épilepsie péri- et peropératoires. Dans cette étude, 41 % des 2098 patients au total ont subi une chirurgie éveillée. L'étude a montré que les cliniques comme la nôtre, c'est-à-dire particulièrement expérimentées en matière de mapping peropératoire, présentent un risque nettement plus faible de crises d'épilepsie pendant l'opération *.
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